Après avoir pris mon pied sur les 15km de sentiers côtiers
en Bretagne lors du trail du bout du
monde, me voici quelques jours après à l’autre bout de la France à Val d’Isere
pour l’Altispeed.
Principal objectif de l’année pour moi, l’Altispeed est la
version courte de l’Ice Trail Tarentaise (ITT) avec 32km, 2500m de D+ et une
altitude moyenne de 2600m. Les puristes diront que ce n’est plus du trail mais
du « skyrunning »… En bref le
WE dernier je courrais à 0m d’altitude et là je me retrouve au moins 2000m plus
haut… en voilà une bonne préparation !
La course se déroulant le dimanche avec Anne-Claire, nous
avions prévu d’arriver le jeudi soir afin d’avoir le temps de réaffuter mon
pied en mode « montagne » ( pour les globules c’est un peu court
comme délai…). Nous avons donc profité de vendredi et samedi pour faire de
belles randos au milieu de ce magnifique parc qu’est la Vanoise. Marmottes,
chamois, bouquetins et même le fameux couple de gypaètes sont au
rendez-vous ! Aussi en ce début d’été tardif, nous profitons de
l’explosion de couleurs que nous offrent les fleurs des alpages.

Samedi soir a eu lieu le debrief sur la course. On ne rigole
pas, ce trail « le plus haut d’Europe », se court sur des glaciers
nécessitant en théorie du matériel d’alpinisme. Malgré les conditions météo
splendides des derniers jours, encore 60% du parcours est recouvert par la
neige. Depuis une semaine les organisateurs ont travaillé d’arrache-pied pour
sécuriser le parcours et éviter tout accident. Petite déception, du fait du
cumul de neige trop important sur le glacier du Pissaillas l’Aiguille Pers ne
sera pas accessible ; le parcours s’arrêtera à la Pointe Pers 80mètres
plus bas.
Bla bla bla…
Bref ils nous font flipper et nous poussent à acheter ce
fameux système de chaines pour baskets de la marque Yaktrax partenaire de la
course…
4h du matin les courageux coureurs du 65km s’échappent vers
la Grande Motte.
8h30 après le contrôle du matériel obligatoire à embarquer,
c’est enfin le départ. N’étant pas du tout préparé à ce genre de course
typée « haute montagne », mon
seul objectif est de finir avec le maximum de plaisir. Je me place donc en
milieu de peloton pour ne pas risquer de partir trop vite.
Les 4 premiers kilomètres sont roulants et nous font remonter
la vallée du manchet. Ce seront les seuls kilomètres d’ombre du parcours.
Ensuite les choses sérieuses commencent. Nous bifurquons vers l’est en
direction du refuge des fours à 2500m. Personne ne court. Le peloton s’étire
sur la monotrace qui monte en de courts lacets. Le gars devant moi casse son
bâton en le bloquant entre deux rochers. Dommage…
Au refuge nous rejoignons les premiers concurrents du 65km. Kilian et Francois D’Haene sont déjà passés
depuis plus d’une heure à un rythme impressionnant parait-il. Nous croisons
cependant Emelie Forsberg l’actuelle championne du monde de skyrunning.
Le refuge passé, les névés sont de plus en plus nombreux et
l’ascension du col des Fours à 2976m se fait pendu aux batons sur une neige
fuyante.
Enfin nous arrivons au col. Petite pause photos. Le paysage
est grandiose avec en contre bas un lac gelé.
Nous descendons donc prudemment le col sur la neige à l’aide d’une main courante. L’adhérence est
très sommaire et les glissades sont nombreuses comme si le génépi avait
remplacé l’eau du camelbak. L’ambiance glaciaire rend l’instant magique.
Cependant il faut rester concentré. Lors d’un passage sur un
rare pierrier déneigé ma cheville vrille… Ouf, pas de mal, un simple rappel à
l’ordre….
500mètres plus bas nous rejoignons la route qui relie
Bonneval à l’Iseran. Enfin un terrain sec et stable ! Nous profitons donc
de cette portion « roulante » de bitume pour vider le surplus d’eau
de nos chaussures, manger une pompote et entamer une conversation avec nos
compagnons de route. Nous remontons donc jusqu’au télésiège des cascades à
2750m où nous attend le ravitaillement.
Après 2 verres de Nestea, une tranche de saucisson et un
Tuc, je repars pour le plus douloureux des passages du parcours. Dawa Sherpa,
actuellement blessé, est là pour nous encourager très chaleureusement au pied
de ce gros et long calvaire.
Nous allons donc passer de 2750 à 3300m d’altitude en 4km
dans la neige et les pierriers. Facile ! Mais les pas du jeune cabri que
j’avais été à Brest la semaine passée n’ont rien avoir avec ceux du vieux bouc
3000m plus haut ! Je suis tellement cramponné à mes batons qu’une poigné
de l’un d’eux casse. On va faire avec puisqu’on ne peut pas faire sans…
Après une longue, très longue, trop longue, interminable
mais magnifique ascension sur une arrête, enfin nous arrivons au sommet de la
Pointe Pers à 3300m. J’ai 45min de retard sur le timing que j’avais prévu.
Anne-Claire m’attendra un peu plus longuement au Col de l’Iseran… Bizarrement,
dès qu’on cesse de monter, le souffle et le sourire reviennent. J’en profite
donc pour prendre des photos au milieu de ce panorama à 360°.
Pour la descente, en quelques mots, on est entre la course à
pied, le patinage, le ski et la luge. Toutes les techniques sont bonnes tant
qu’on ne se fait pas mal. Plus on descend, plus on renait. Le souffle est là,
les jambes suivent.
Col de l’Iseran à 2750m. Anne-Claire m’attend. Le plus dur
est passé. Plus que 300m de D+ à gravir sur les 2500 au total et une longue
descente vers Val d’Isère. J’ai le sourire. Je suis bien. Je remplis mon
Camelbak, bois 2 verres de Nestea, mange une pompote et un nouveau Tuc.
Discrètement je refile à Anne-Claire mes Yaktrax qui m’ont été d’aucune utilité
depuis le début du parcours ne voyant pas de différence d’adhérence entre avec
et sans.
Je repars cool. Dernière grosse difficulté ; la montée
au tunnel des lessières à 3000m. Nous commençons l’ascension dans la neige puis
on termine dans un pierrier très instable. Une chute de pierre créée par un
coureur en amont manque d’assommer la concurrente devant moi.
Enfin nous parvenons au tunnel ou plutôt au bout du tunnel …. ;-)
A la sortie nous attend tout simplement la piste noire du
3000 pour ceux qui connaissent le domaine. Seulement, nous n’avons pas de ski à
nos pieds… Après trois pas très comiques, je décide de faire les 400m de descente
sur les fesses. Un pur plaisir très rafraichissant ! Je crois que j’ai
gagné plus d’une dizaine de places et surtout de la fatigue en moins pour mes
genoux. Seul bémol, une fois lancé je ne pouvais plus contrôler ma trajectoire
et me dirigeant tout droit vers un rocher affleurant la neige, j’ai dû faire
une petite prière et surtout serrer les fesses pour éviter le gros bobo du
postérieur. Et c’est passé sans casser !!!
Ensuite on rejoint le sommet du télésiège du Glacier, on
pique vers celui du Cugnai à travers de vastes étendues de neige et enfin après
une petite ascension sur une crête, de l’herbe !
Il serait dommage de ne pas s’arrêter pour profiter du
paysage grandiose. Entre coureurs on se prend en photos. L’un d’eux commence à
souffrir de crampes. Pour ma part, le moral est au très beau, les jambes
répondent tout à fait bien, aucune douleur, aucun bobos, je suis prêt pour
l’ultime descente. 800m à dévaler en 5km.
Pour cette dernière, on enchaine petits lacets et portions
« dré dans la pentu ». On passe par la piste rouge du Plan puis la
noire Rhône-Alpes. Ca tape fort mais les cuisses et les genoux tiennent
étonnamment bon. Le coureur devant moi accuse le coup. L’édition 2012 à laquelle
il avait participé, lui avait paru moins difficile car moins neigeuse. Je lui
propose de terminer ensemble mais il ne peut plus suivre. C’est à ce moment que
sans prévenir une coureuse surgit à moins de 500m de l’arrivée. Ah non, en
trail on ne double pas comme ça sans s’excuser juste avant l’arrivée !
Gonflé d’orgueil, je me lance dans un sprint qui manque de me décrocher le cœur
et finis devant elle avec 200m d’avance ! Non mais oh !
Par contre grisé par les sensations en descente, j’arrive un
peu trop vite pour Anne Claire qui n’aura pas eu le temps d’arriver pour mon
finish…
Bilan : 5h48min de course, 159e /316
arrivants avec 395 partants
Les yeux remplis de paysages grandioses, de très bonnes
sensations ( sauf à 3000m), quelques coups de soleil et même pas mal aux
cuisses les lendemains.